Henryk Szering
Pologne, °1918 - 1988 †
Henryk Szeryng (1918-1988) naquit dans la banlieue de Varsovie, à Zelazowa Wola, lieu de naissance de Chopin, dans une famille aisée, son père étant un homme d'affaires prospère. Il commença ses études musicales à l'âge de trois ans avec sa mère qui l'initia au piano. A sept ans, il décida de se tourner définitivement vers le violon.
Le premier professeur d'Henryk Szeryng fut Maurice Frenkel, ancien assistant de Léopold Auer à Saint-Petersbourg avant la Première Guerre mondiale. Bien que Frenkel ait sans aucun doute marqué le jeune Henryk, sa formation musicale et technique fondée sur une discipline sans faille revient à l'illustre pédagogue Carl Flesch (1873-1944) dont les compétences créèrent et nourrirent l'immense talent de Szeryng entre les années 1930 et 1933.
Les remarquables qualités pédagogiques de Flesch exercèrent une influence majeure sur le jeune garçon. Ses parents avaient été convaincus de le lui confier pour ses études par le violoniste polonais de renommée internationale Bronislaw Huberman qui l'avait entendu, alors âgé de dix ans, interpréter le concerto de Mendelssohn.
Plus tard, grâce à l'élégant et profond Jacques Thibaud et à l'enseignement et aux conseils de Gabriel Bouillon, Henryk Szeryng se retrouva résolument associé à l'école française de violon. Il acheva ses études auprès d'eux avec le très convoité Premier Prix du Conservatoire de Paris en 1937. Déjà en 1933, Szeryng avait fait ses débuts de soliste-concertiste avec le concerto de Brahms. Ce premier concert ayant remporté un succès considérable, il avait été immédiatement suivi d'une tournée de concerts, alors qu'il était encore étudiant.
La légendaire Nadia Boulanger, son guide en contrepoint et en composition, le présenta à des personnalités telles que Heitor Villa-Lobos, Alfred Cortot, Manuel Ponce, Igor Stravinsky et Maurice Ravel.
Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Henryk Szeryng fut nommé par le Général Sikorski officier de liaison et interprète (il parlait et écrivait huit langues) auprès du gouvernement polonais en exil. Il assuma ces fonctions jusqu'en 1945, tout en donnant plus de 300 concerts pour les troupes alliées en Europe, en Afrique et aux Amériques. En 1942, il rejoignit au Mexique le premier ministre polonais en exil, alors à la recherche d'une nouvelle patrie en Amérique Latine pour quatre mille réfugiés polonais déplacés par la guerre. Le Mexique finit par accueillir ces êtres désespérés et sans terre. Henryk Szeryng fut tellement ému par ce geste humanitaire qu'il retourna au Mexique en 1943. Il fut alors appelé à la tête de la section des instruments à cordes de l'Université Nationale du Mexique afin de réorganiser l'école mexicaine de violon. En 1948, la nationalité mexicaine lui fut accordée en reconnaissance de ses mérites musicaux et culturels.
S'ajoutant à ces importantes responsabilités, Henryk Szeryng donna régulièrement des concerts à travers toute l'Amérique Latine jusqu'au jour où, en 1950, il rencontra son compatriote polonais, Arthur Rubinstein, qui l'encouragea à étendre ses activités musicales sur les cinq continents. Les deux hommes se lièrent d'une profonde amitié fondée sur une admiration réciproque et sur le respect mutuel de leurs qualités artistiques et humaines. Rubinstein, disparu en 1982, voyait dans son ami un artiste de premier ordre et fit cette déclaration : « Les vrais mélomanes veulent de l'émotion - des moments inoubliables - que la musique de Szeryng leur donne. »
Le génie de Szeryng savait associer un talent musical hors du commun à une incomparable sensibilité capable d'exprimer toutes les nuances de tons et de couleurs. Sa discipline et son sens inné de l'interprétation ne cessaient de démontrer son aspiration permanente à accéder aux plus hauts sommets de l'art du violon. Sa technique grandiose et son ample répertoire comblèrent son public à travers le monde entier.
Henryk Szeryng fut l'un des violonistes les plus enregistrés de l'histoire du gramophone. Ses enregistrements s'étendirent sur plus de 40 ans de carrière. Il redécouvrit le 3e concerto pour violon et orchestre de Paganini et fut le premier à l'enregistrer. Le concerto "Mexicain" de Chavez, le concerto "Cubain" de Csonka, les concertos de Manuel Ponce, Benjamin Lees, Camargo Guarnieri et Jean Martinon, le "Poema Concertante" de Xavier Monsalvatge et les compositions de Julián Carrillo, Roman Haubenstock-Ramati, Peter Racine Fricker et José Sabre Marroquín figurent parmi les œuvres écrites pour lui. Elles s'inscrivirent dans son vaste répertoire qui s'étendait des Sonates et Partitas pour violon seul de Bach jusqu'aux grands concertos classiques.
Outre les diverses fonctions qu'il occupa au fil des années, Henryk Szeryng fut nommé Ambassadeur Culturel et de Bonne Volonté du Mexique en 1956 et Conseiller Musical Honoraire de la Délégation Permanente du Mexique auprès de l'UNESCO en 1970. Il devint ainsi le premier artiste à voyager avec un passeport diplomatique.
De nombreux honneurs furent décernés à Henryk Szeryng, comme le Grand Prix du Disque, attribué six fois, le Grammy Award, l'Edison, le Golden Record, le Wiener Flötenuhr et les Médailles d'Or des Villes de Paris et de Jérusalem. Si l'on ajoute à cela des décorations telles qu'Officier de l'Ordre de "Polonia Restituta", "Commendattore alla Reppublica" (Italie), Officier de la Couronne (Belgique), Commandeur de l'Ordre "Alfonso X El Sabio" (Espagne), Officier de la Légion d'Honneur française, "Gran Premio Nacional du Mexique", Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles (Monaco), on commence à se faire une idée de l'immense estime que le monde octroya à cet homme exceptionnel.
Les violons d'Henryk Szeryng ont chacun une histoire. Ainsi, son fameux Stradivarius 1734, "Hercule", ex-Eugène Ysaye, qu'il remit, le 24 décembre 1972, entre les mains de Teddy Kollek, Maire de Jérusalem, en gage d'amitié pour la Ville Dorée, afin qu'il soit joué par les premiers violons solo de l'Orchestre Philharmonique d'Israël.
Il offrit au Prince Souverain Rainier III de Monaco son célèbre Vuillaume, copie du Stradivarius "Messiah", et à la Ville de Mexico son Andrea Guarneri 1683, "Sanctae Theresiae". Henryk Szeryng donna la majeure partie de sa collection de violons à des villes ou à des étudiants tels que Shlomo Mintz qui avait suivi ses cours à Genève, et garda uniquement son Guarnerius del Gesù 1732 "Leduc" et le Pierre Hel 1935, copie du Guarnerius del Gesù "Le Roi Joseph". Musicien hors pair, diplomate, pédagogue et philanthrope, Henryk Szeryng mourut brutalement au milieu d'une tournée en Allemagne, après un concert dans la ville de Kassel. Pour son ultime concert, il interprétait la même œuvre que celle qu'il avait jouée lors de sa toute première prestation, cinquante-cinq années auparavant : le Concerto pour Violon de Brahms.
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