Philip Newman
Grande-Bretagne, °1904 - 1966 †
Philip Newman naquit à Manchester. Son père, Harris Newman, était cantor à la Grande Synagogue de Manchester. Originaire de Lodz (Pologne), il était considéré comme l'un des plus grands cantors de son époque, aussi doué en tant que chanteur qu'en tant que musicien. La soeur de Philip, Pearl, et son frère Montague, avaient eux aussi un don pour la musique. Philip devint l'élève de Brodsky au Royal Manchester College of Music - il y entra en 1917 âgé de 13 ans, et en ressortit en 1920 sans avoir obtenu de diplôme.
En 1924, Brodsky lui conseilla de se présenter au Conservatoire de Bruxelles afin d'étudier avec Albert Zimmel, le premier assistant d'Eugène Ysaÿe. Après seulement un an, il y remporta le Premier Prix de Violon avec les notes optimales, et tous les compliments du jury, alors qu'il avait joué le Concerto en fa dièse mineur Op. 23 de H. W. Ernst, réputé pour sa grande difficulté. Pendant son séjour à Bruxelles, il étudia aussi avec les violonistes Henri van Hecke et Cesar Thomson. A cette époque, il se lia d'amitié avec Antoine, le fils d'Eugène Ysaÿe, qui lui demanda d'interpréter la Sonate No. 4 pour violon seul de son père ; mais Newman refusa, disant qu'il ne se sentait pas prêt à jouer pour un homme qui, dès son plus jeune âge, avait été considéré comme le « violoniste suprême ». Six ans plus tard, Antoine devint l'agent de Newman.
Philip Newman vécut à Berlin de 1928 à 1932, afin d'étudier avec Willy Hess, qui était alors le plus grand violoniste allemand, et qui avait été l'élève de Joseph Joachim. Là, il fit l'apprentissage d'un style bien différent de celui de l’École belge dont il était devenu un pur produit. A Berlin, il fut confronté à l'exceptionnel niveau de culture musicale, et Newman projeta donc de partir étudier dans d'autres conservatoires avec Henri Marteau puis Ottokar Sevcik après son cursus auprès de Hess ; mais ce projet ne put jamais se concrétiser.
En 1931, Philip Newman se rendit dans la maison des Ysaÿe, alors qu'Eugène Ysaÿe était mourant. En montant les escaliers, il s'empara de son violon et interpréta cette quatrième sonate du Maître - dédiée à Franz Kreisler - qu'il rechignait tant à jouer quelques années auparavant. Les dernières notes qu'entendit Ysaÿe furent celles jouées par Newman. Les dernières paroles qu'il prononça furent, elles aussi, adressées à Newman : « Magnifique ... mais le finale ... un peu trop rapide ... ». Lors de l'enterrement d'Ysaÿe, Newman prit les cordes de son violon, et les attacha autour d'une couronne qu'il déposa sur la tombe.
Le premier grand récital de Philip Newman eut lieu dans sa ville natale - Manchester - au milieu des années 1920. Son père loua le Free Trade Hall de la ville à cette occasion. Cependant, son premier concert de grande envergure eut lieu à Ostende : il y interpréta le Concerto pour Violon de Beethoven. Pour quelque raison inexplicable, ses débuts anglais officiels avec orchestre n'eurent lieu qu'en 1935, au Free Trade Hall de Manchester une fois encore.
En 1951, Philip Newman commença son long service en tant que membre du jury au Concours Reine Elisabeth - qui avait remplacé le Concours de Violon Eugène Ysaÿe. Pendant plusieurs années, il fut aussi l'un des juges du Concours de Violon Tchaïkovski de Moscou, où il représentait le Conseil Britannique. En 1937, Philip Newman fut présenté à S.M. La Reine Elisabeth de Belgique, et devint son professeur de violon attitré. Pendant plusieurs années, la Reine avait consacré beaucoup de temps à l'étude du violon et avait joué en privé avec de nombreux musiciens distingués. Elle aidait beaucoup le monde artistique, et accompagnait des violonistes accomplis. En 1964, la Reine travailla à la fondation du Symphonicum Europaea avec de grands musiciens tels que Casals, Stravinsky, Schweitzer et Newman. La Reine assista à la plupart de ses concerts, et lui offrit un archet monté en or par le fameux archetier François Tourte - l'un des plus réputés. Cette longue association avec la Reine Elisabeth s'acheva à sa mort, en 1965.
En 1942, Philip Newman se réfugia au Portugal et, arrivé à Lisbonne, devint le premier professeur de violon étranger à l'Académie Nationale de Musique. Pendant ce long séjour dans cette ville, il organisa et promut des concerts caritatifs - notamment pour le bénéfice de la Croix Rouge. La même année, il fit l'acquisition d'un magnifique Guarnerius del Gesu de 1741, que son cousin Issac Wolfson avait obtenu pour lui. Plusieurs années auparavant, Ysaÿe avait hésité à acheter ce même violon. Cet instrument était le préféré du virtuose Henri Vieuxtemps (à l'enterrement de ce dernier, il avait été porté derrière le cercueil sur un coussin de velours, et est aujourd'hui connu sous le nom d' « ex-Vieuxtemps »), et est considéré comme l'un des meilleurs violons ayant jamais existé - tant par les experts que par les musiciens.
Pendant les dernières années de guerre, Philip Newman redoubla ses concerts pour les réfugiés, qui s'étendirent par la suite aux populations les plus défavorisées d'Afrique. En 1950, il quitta le Portugal pour une tournée en Angleterre, Belgique, Italie, Espagne et Allemagne. Il reçut d'excellentes critiques, de la part de critiques musicaux autant que de ses collègues musiciens. Les 22 et 23 novembre, il fit encore un apparition au Free Trade Hall de Manchester, où il joua le Concerto pour Violon de Beethoven avec le Halle Orchestra dirigé par John Barbirolli. En 1954, il accepta une série de 28 concerts au Congo belge et en Angola, mais juste avant la finalisation de ce projet, il apprit la mort de son père ; cependant, il continua sa tournée comme prévu. Il fit la connaissance d'Albert Schweitzer à Lambaréné et, à la fin de cette tournée, passa par Johannesburg où il enregistra des œuvres de Paganini et le concerto de Beethoven pour la Compagnie Sud-Africaine d'Enregistrement.
A son retour en Europe, Philip Newman rejoignit son vieil ami Casals, pour jouer à l'ouverture du Festival de Prades. En 1962, il fonda le Festival de Pollensa, qui devint son activité principale pendant les dernières années de sa vie. De nombreux artistes jouèrent à ses côtés au cours de ces festivals (par exemple, Ruggiero Ricci, Pierre Fournier et Friedrich Guida furent programmés une année). Le dernier concert de Newman eut lieu le 4 septembre 1966 lors de l'un de ces festivals ; il joua sa dernière pièce sur la demande d'un journaliste ce soir-là : le Recitativo and Scherzo de Kreisler. Une tournée en URSS était programmée, mais Philip Newman mourut d'un arrêt cardiaque, dans sa chambre d'hôtel de Majorque, le 23 novembre 1966 - un an jour pour jour après sa chère amie la Reine Elisabeth. Ironiquement, il était attendu ce soir là sur le plateau d'une émission télévisée commémorant le premier anniversaire de la mort de la Reine.
Tout au long de sa carrière, Philip Newman reçut de nombreux honneurs et récompenses. En Belgique, il fut nommé Officier de l'Ordre de la Couronne. Le Portugal lui offrit sa plus haute récompense : Chevalier commandeur de l'ordre de St Jacques de l'Épée et, pour son travail pendant les années de guerre, il fut décoré de l'Ordre de St Jean et l'Ordre du Christ. Il reçut aussi les médailles Ysaÿe et Reine Elisabeth de Belgique, puis l'Ordre du Mérite et l'Ordre Léopold. Enfin, il fut récompensé de son travail par la commande d'un portrait de lui, qui se trouve à présent à la Galerie Nationale de Lisbonne.
En savoir plus