Arthur Rubinstein
Pologne, États-Unis, °1887 - 1982 †
Chaleureux, lyrique et aristocratique dans ses interprétations, Arthur Rubinstein continua de se produire jusqu'à un âge très avancé et de manière impressionnante : dès qu'il fut en âge de monter sur un tabouret de piano, son génie se manifesta. Il était issu d'une famille plus commerçante que musicienne, mais il fixa son choix sur le piano dès qu'il en entendit le son. A l'âge de trois ans, il fit grande impression sur Joseph Joachim, et à sept ans, il jouais déjà du Mozart, du Schubert et du Mendelssohn à un concert de charité de sa ville natale. A Varsovie, il prit de leçons de piano avec Alexander Róóycki ; puis il fut envoyé à Berlin en 1897 pour étudier le piano avec Heinrich Barth, et la théorie avec Robert Kahn et Max Bruch - tout cela sous la surveillance de Joachim. En 1899, il fit sa première « grande » apparition avec orchestre, à Potsdam. Peu après, alors qu'il était à peine adolescent, il entama une tournée en Allemagne et en Pologne.
Après de courtes études aux côtés de Paderewski, en Suisse, en 1903, Arthur Rubinstein partit pour Paris où il rencontra Ravel, Dukas, et Jacques Thibaud ; il joua le Concerto en sol mineur de Camille Saint-Saëns à la demande du compositeur lui-même. Cette œuvre demeura la marque de fabrique de Rubinstein pendant soixante ans, et c'est ce concerto que le pianiste choisit pour ses débuts américains avec l'Orchestre de Philadelphie au Carnegie Hall de New York, en 1906. Sa tournée américaine, mal préparée, ne fut pas particulièrement bien reçue ; il rentra donc en Europe afin de continuer à étudier. Il devint un musicien chambriste et un accompagnateur expert et sensible, et il fit ses débuts londoniens en accompagant Pablo Casals en 1912 ; puis, pendant la Première Guerre Mondiale, il partit en tournée avec Eugène Ysaÿe.
Arthur Rubinstein donna de nombreux et brillants récitals en Espagne au cours de la saison 1916-1917, et partit rapidement en tournée en Amérique latine. Pendant son voyage, il développa un goût pour la musique hispanique ; Heitor Villa-Lobos alla jusqu'à lui dédier son Rudepoema - l'un de ses travaux les plus durs. Bien qu'il fût catalogué par la suite comme une autorité dans l'interprétation de Chopin, son goût pour Falla, Granados et Albéñiz ne faillit jamais.
La réputation internationale d'Arthur Rubinstein s'emplifia rapidement, bien qu'il fût en réalité un musicien à la technique peu disciplinée. Au milieu des années 1930, il se retira à nouveau de la scène, et se força à travailler sa technique. Il réémergea sur la scène en 1937, transformé en musicien discipliné, élégant et poli par son travail - des qualités qu'il garderait jusqu'à son récital d'adieu à Londres en 1976, alors âgé de 89 ans. Son tempérament était suffisamment fougueux pour Beethoven, mais assez poétique pour Chopin ; ses tempos et ses nuances étaient toujours souples tout en restant fidèles à l’œuvre jouée. Ses enregistrements de presque toutes les œuvres de Chopin pour piano seul, dans les années 1960, pour RCA, sont considérés comme des incontournables, tout comme sa version des Nights in the Gardens of Spain de Falla, ou encore ses collaborations tardives avec le Quatuor Guarneri.
Arthur Rubinstein fut naturalisé citoyen américain en 1946, mais il garda ses résidences de Californie, New York, Paris et Genève. Deux de ses enfants naquirent aux États-Unis, un à Varsovie et le dernier à Buenos Aires. Il avait épousé Aniela Mlynarska en 1932, mais il resta célèbre pour ses fréquentations amoureuses et sa réputation d'incorrigible bon vivant. Il aimait vivre selon son slogan « du vin, des femmes et des chansons », même si, appliqué à son cas, il signifiait « des femmes » à 80 pour cent, et seulement 20 pour cent pour les vin et les chants !
Malgré cela, il savait être sérieux. Après la Deuxième Guerre Mondiale, il refusa de jamais rejouer en Allemagne, en réponse à l'extermination nazie de sa famille polonaise. Arthur Rubinstein devint un fervent défenseur d'Israël ; en signe de reconnaissance, un concours international de piano fut créé à son nom à Jérusalem, en 1974. Ses récompenses incluent la Médaille d'Or de la Société Philharmonique Royale de Londres, la Médaille de la Liberté des États-Unis (1976), et l'appartenance à la Légion d'Honneur française.
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